Friday, May 05, 2006

Le crime parfait

Je reviens du boulot et je roule tout bonnement, il fait beau. La lumière est rouge, je regarde tout autour en sifflotant au son de la musique. À ma droite, il y a un cône qui repose au bord de la route. J’arrête de siffloter, sourire en coin, je ne peux m’empêcher de penser à cette histoire...

Je m’en vais avec mon ami dans sa minivan porte coulissante et on roule tranquillement en ville. Nous revenons d’une superbe après-midi en plein air à déconner entre amis au Grand Lac Saint-François. Je suis assis à l’arrière pour la simple et bonne raison que sa blonde est avec nous... Vous savez, c’est rare que l’on me bat à la course au siège d’en avant. Mais cette fois, je me suis avoué vaincu sans résistance pour la simple et bonne raison que je suis un gentleman.

De mon inhabituel siège arrière, j’ai donc accès à la magnifique porte coulissante de son Dodge Colt 1900-fait-plus (pour utiliser son expression) tout juste à ma droite. Nous descendons la 9ieme rue sud direction nord. Je remarque une série de cônes de bonne dimension à l’intersection plus bas. La ville rafraîchit la peinture des lignes d’arrêts. Le destin est drôlement fait. Il adonne qu’elle fait ça une fois par année et il adonne que je suis assis à l’arrière de ce Dodge Colt une fois par année... Cette chance ne se représentera probablement jamais, rien n’arrive pour rien.

Dans un court moment d’immaturité, une idée génialement stupide me traverse l’esprit. Elle me tenaille, me brûle d’envie. Je regarde autour, il n’y a personne. Je regarde devant et derrière, il n’y a pas de voiture. Que nous, jeunes fous, et cette alléchante rangée de cônes. J’avais passé les deux jours précédents à jouer à Grand Theft Auto sur ma toute nouvelle console Playstation, sorti en grande pompe quelques mois auparavant. Ce jeu est génial, mais il donne des idées... génialement stupides.

Je ne me peux plus et je lance à mon ami de ralentir à l’intersection...

AMI — Pourquoi ?
MOI — Je vais kidnapper le cône.
AMI — Hehe... dac
BLONDE — Bande de cons !

La voiture approche de la cible, j’ai la main sur la poignée, mon rythme cardiaque accélère, une goutte de sueur parcourt mon front, tout dans mon champ de vision disparaît. Tout ce que je vois est le orange vif de ma victime. On passe à ses côtés, j’ouvre la porte, étire les bras, attrape le pauvre cône à la volée et l’entraîne avec moi dans la voiture. Je crie à mon ami d’accélérer alors que je flanque une volée au cône qui n’offre aucune résistance. Nous rions aux larmes. Personne ne nous a vus. On est incognito : le crime parfait. Je balance le cône derrière la banquette et on continue de jaser comme si de rien n’était.

On va ensuite déposer sa blonde chez elle et l’on se dirige chez moi pour faire de même. On se demande un peu ce que nous allons faire de notre victime. Je m’offre donc de le garder chez moi le temps d’y penser un peu. À peine entré chez moi, je conte mon exploit à ma soeur qui me met en garde en me racontant l’histoire de son ami qui s’est fait prendre dans une situation similaire. Mais non, que je lui dis, personne ne nous a vus. C’est un crime parfait !

À peine ai-je terminé ma phrase que le téléphone sonne :

INTERLOCUTEUR — Bonjour, M. Olivier SVP
MOI — Oui, c’est moi ?
INTERLOCUTEUR — M. Olivier, ici l’agent RienÀFoutreDautreDePlusImportant, on m’a rapporté que vous aviez pris un cône à l’intersection 9ieme rue / Belvédère ?
MOI — (pfft c’est sûr que c’est mon ami !) Oui ! Mais en fait je ne l’ai pas volé, je l’ai kidnappé !
INTERLOCUTEUR — M. Olivier, vous savez que ce cône appartient à la ville et qu’il est contre la loi de le voler ?
MOI — Je sais Monsieur l’agent, mais, si vous le revoulez, va falloir payer une rançon !
INTERLOCUTEUR — Habitez-vous toujours le XXX XXX XXX ?
MOI — Ouais, exactement ? (début de doute)
INTERLOCUTEUR — Restez à la maison. J’arrive dans 5 minutes.

Je n’ai pas aimé le ton de sa dernière phrase. Mon ami est un excellent imitateur, mais il y a des limites... Je l’appelle aussitôt...

AMI — Allo
MOI — Man... dis-moi que c’était toi ?
AMI — Mec... La police vient d’appeler ici. Quelqu’un a pris le numéro de ma plaque et a appelé la police. Le policier m’a demandé où était le cône. J’ai pas eu le choix !
MOI — Tu me niaises ?
AMI — Non, je te jure !
MOI — Il s’en vient ici là. Je lui ai ri en pleine face en pensant que c’était toi ! Là, tu me le dis tout de suite si... laisse faire, je te rappelle plus tard.

Au milieu de cette phrase, une voiture de police arrive chez moi... C’était pas des blagues. Ma soeur est un peu traumatisée. Je ne peux pas croire que je me suis fait prendre à une telle stupidité. Heureusement, il n’y a personne d’autre à la maison, ma mère est partie pour la fin de semaine. La police cogne à ma porte... le cône est directement dans l’entrée. Je lui remets, repentant, et m’excuse aussitôt de mon comportement. Il ne bronche pas et m’explique que je viens de commettre un acte criminel et tout. Il me fait la morale comme tout bon agent. Même si il ne sourit pas et qu’il demeure sérieux malgré le ridicule de la situation, j’ai l’impression qu’il va se limiter à une bonne morale et que je vais m’en sauver. C’est sous-estimer le zèle d’un agent qui s’ennuie. Il m’annonce que je dois aller faire une déposition au poste pour donner ma version des faits. C’est dans ces moments-là que l’on se dit que quelques gangs de rues, dans une petite ville comme la mienne, seraient les bienvenues question d’occuper les forces de l’ordre.

La police a envoyé quelques semaines plus tard une lettre à la maison me disant d’ignorer tout avis de comparution et que j’aurais aucune note à mon dossier. Mais que ce délit serait tenu en compte advenant une autre histoire de vol... Ce qui ne risque pas d’arriver. J’ai heureusement mis la main sur cette lettre avant ma mère, pour qui l’histoire est demeurée inconnue... un autre crime parfait. Enfin, jusqu’au jour où une police faisant la tournée des écoles s’arrête à son bureau et lui potine l’histoire comme le dernier des épais. Elle s’est donc fait un plaisir de me rappeler pour une énième fois dans ma vie : tout finit par se savoir.


...La lumière tourne au vert. Je hoche de la tête en signe de non en me mordant les lèvres... le crime parfait n’existe définitivement pas... et je continue ma route en sifflotant...

14 Comments:

At 10:48 AM, Blogger tchendoh said...

ahahahahhaha excellente anecdote!

 
At 12:20 PM, Anonymous Anonymous said...

yaaaa...O, terrible l'histoire, tu l'as racontécomme si j'y étais. Mais au fait c'était moi le conducteur... hhhehehe

 
At 9:33 PM, Blogger Nicole said...

Vraiment excellent!! Tu as le tour de raconter, je t'assure!!

 
At 10:36 PM, Blogger Num said...

Je suis le genre de gars qu'on ne met pas au défi... Je suis prêt à faire pas mal de conneries mais quand il y a, ne serait-ce qu'un soupçon d'illégalité... ça toujours été ma limite!!!

C'est quand je lis une histoire comme la tienne( et sachant qu'il m'est pareillement arrivé un paquet de "bad luck", que je me dis: "le crime parfait n'existe pas..."

Verdict post: 10/10

 
At 12:08 AM, Blogger Nita said...

bel enfant

 
At 12:34 AM, Blogger Num said...

Bien dis Dan !!!!

 
At 1:06 AM, Anonymous Anonymous said...

Hahaha, très bien raconté en effet ;)

Le crime parfait n'existe pas, mais il y a cependant un grand panneau "Maximum 30" qui trône fièrement sur le mur d'un de mes chummys... depuis quelques années :P

 
At 10:31 PM, Blogger Fille aînée et soeur d'Elle said...

On pourrait en faire un film!

 
At 4:39 PM, Anonymous Anonymous said...

La plupart des gars regarde les filles en jupes par les belles journées de printemps. Surtout lorsque la lumière est rouge. Mais Olivier lui fantasme sur un bon vieux cône Orange!!!
hehe
je ne mets pas ton hétérosexualité en question

 
At 7:46 PM, Blogger Ness Eva said...

Dis-moi pas que la police était un certain Monsieur Richer (père de sa "charmante" fille qui faisait du Taer-Kwon-Do) parce que là, ce serait le comble du malheur!!!

 
At 6:03 AM, Anonymous Anonymous said...

On dit le blog "DE" Olivier connard !!!

 
At 6:03 AM, Anonymous Anonymous said...

On dit le blog "DE" Olivier connard !!!!

 
At 6:00 PM, Anonymous Anonymous said...

le crime parfait c a la plage (dans l'eau) tu tue ta victime avec 1gros saumon et après tu le mange loOl by djkeni95

 
At 6:05 PM, Anonymous Anonymous said...

falait cacher la plaque (c ce que j'aurait fait) ;)

 

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